Chaque matin, c’est plutôt marrant, tu attends dans les brumes un rêve décalé.
Les Ateliers de traverse
déclinent leurs activités
dans plusieurs régions
Actualités des pôles régionaux
Ateliers de traverse 14
" Preuve et Epreuves du sentiment en littérature"
décembre 2013
à Caen
Ateliers de traverse 30
le 19 février 2014
à Nîmes
Ateliers de traverse 76
saison 2013 - 2014
à St Germain des Essourts
Ateliers de traverse Lilas - Paris
saison 2013 - 2014
à Paris
Chaque matin, c’est plutôt marrant, tu attends dans les brumes un rêve décalé.
Si même la lumière casse et que tu n’as peut-être pas le choix, la vapeur du basalte reste laiteuse.
Même si ta fleur touche que dalle, que l’animal en toi titube presque par terre sous le gong de l’horloge, le temps est la première question.
Artères déliées
Refoulées
à l’Ame, l’Anus, l’Abdomen
vers toutes formes d’Abcès
Boire et couler
Je deviens liquide
Colle mon cul
Contre ta verge
Dos à dos
nos Dents s’entrechoquent
nos Doigts se cherchent
tu m’Enfreins
s’Enlaçent les épées, s’Entament les cuirasses
tu m’Enlèves
ça Force et ça Foule
les feulements et les fissures
Finalement
Grandir
Hors de soi
Imaginer s’Incorporer
Jouir
en Kaléidoscope
en Larmes
en Marge
en Noir et blanc
Ouvrir l’œil
(omoplates oreilles et occiput)
Porter Puiser Pousser
(dedans dehors)
Quand ta queue
me Rejoins je te retrouve
nous étions Seuls pourtant
Toi Toujours
Traversant mon Uvée
Vous pourtant
Quand nous nous sommes oubliés
Dans ce Wagon-lit
J’ai eu beau prendre du Xanax
Y’avait plus qu’à Zapper
La lumière a baissé. Patrick Catalifo boit son sixième verre. La bouteille de Vodka a roulé entre son pied et le banc. Son corps s’affale encore un peu. Elle, elle se verrouille. Jambes croisées. Bras fermés. Visage tendu sur poing. Le pouce levé contre sa joue ; il s’alourdit contre le banc, elle se raidit ; dans ce déséquilibre, leurs deux corps semblent se rencontrer.
Laure, comme instinctivement, a pris la même pause que Geneviève Mnich. Qu’est-ce qu’elle pense ? Elle, elle veut rentrer depuis. « Laisse-nous vivre avant de mourir », c’est ce que sa voisine lui a dit. De toute manière, j’ai oublié comment on parle à sa mère quand on a quarante ans.
Mnich et Catalifo se sont étreints tout à l’heure sur le banc. J’ai bien vu le tressaillement dans son dos. Ce que ça lui a fait. Est-ce qu’elle pense que c’est fini pour elle ? Cette aisance qu’on a enfant à se réfugier dans les bras, et maintenant… La dernière fois, c’est moi qui l’ai prise dans mes bras. Le jour de. Ce personnage de May, ça lui fait quoi ?
La barbe de Catalifo contre le visage lisse et vieillie de la comédienne, ses mains qui s’agrippent à son verre, son regard noir, son regard loin ; c’est en lui qu’elle trouve ce qu’elle a perdu. Elle dit : « On peut partir en restant ». Putain que oui qu’on peut partir en restant. Elle vit comme avant, journée ciselée, découpée sur les mêmes rituels, et pourtant le cours en est modifié. Son absence à lui. Maintenant, son absence à elle. La frangine, hier, au téléphone : « franchement, je crois qu’elle déraille ». Moi, envie de lui dire « ta gueule, mais putain, ta gueule ! » mais cherchant les mots compromis.
Patrick Catalifo a vraiment l’air bourré. Lucide, aussi. « La vraie vie hors des normes sociales », avait écrit la critique de La Terrasse. Mais c’est quoi la vraie vie ? Chercher la porte du mur ou vivre avec le mur ? Elle lâche la rambarde du balcon, se tourne vers moi, je prends l’air concentré, retourne à Mnich qui a décroisé les jambes. La lumière décline encore sur la scène. Je vois la bouche de Catalifo prononcer des mots que je n’entends pas. Il a la bouche pâteuse, il parle vraiment comme s’il avait trop bu. Elle le regarde vraiment comme si elle ne savait pas quoi faire, partir, dire au revoir, ou rester.
Laure est de nouveau plongée sur la scène, pourtant, je sens encore son regard. Trois jours après la mort de mon père, elle m’avait dit : « Ne t’inquiète pas. Même si on a envie de mourir, c’est la vie qui continue. »
Comme à son habitude, Anna était en retard. Je commandai une bière au serveur efflanqué des Bons amis qui prit commande sans me regarder. Une fille passait. Sa jupe, légère et vaporeuse, coulait autour de son corps comme un moule actionné qui, à chaque pas, se fondait à son corps. Il ouvrit la bouche une fois. Puis deux. Et retourna à son comptoir. Je la suivis des yeux jusqu’à ce qu’elle devienne un petit point, loin. Des soubresauts de fesses qui s’estompent peu à peu.
Il faisait chaud de nouveau, et Belleville s’étoffait de vert. Ma bière apparut sur la table comme par enchantement. Anna traversait le passage piéton sans regarder. Je lui fis signe. Elle me sourit, se dirigea vers les rares tables de la terrasse où, touristes penchés sur leurs guides, hommes esseulés et vicelards, lycéens, couples légitimes et illégitimes, mâles et femelles de tout genre, se vautraient dans les premiers rayons de soleil ; me fit un geste que je jugeai confus, puis, très simplement, passa son chemin.
Je me vis crier son nom, renverser les tables et la rattraper. QU’EST-CE QUE TU FOUS ANNA?
Mais je restai coi. J’eus la sensation nette que je ne la reverrai pas et aussitôt son cul me manqua. Et sa peau. Et son odeur.
Je pris deux bières. Puis trois. J’observai les jambes des filles qui passaient et essayai de deviner la forme de leur cul à celle de leurs jambes. J’eus quelques surprises.
Deux heures après, Anna revint. Pour me dire qu’elle me quittait. Je ne trouvai rien d’autre que de remettre mes lunettes de soleil. Je notai un petit tremblement sur sa lèvre inférieure, presque imperceptible. (Ou était-ce moi ?). Toujours est-il que je lui en fis part. Quoi ? Ses yeux glissèrent sur moi pour se fixer loin sur le boulevard. Elle portait un tee-shirt moulant et j’avais envie de lui dire que c’était vraiment dégueulasse. Je me penchai vers elle et murmurai. ANNA. J’entendais son prénom, comme un gong, en écho dans ma tête. J’aurai préféré crever plutôt que de la garder là une minute de plus.
- « Fous l’camp Anna », je lui dis, « que je regarde ton cul une dernière fois ».