Prose : ma sœur est rock-1
Ma sœur tombe. Les convenances. Ma sœur tombe dans la zone contaminée. La zone sensible des peaux qui vieillissent et le marché des camelots. Ma sœur est une tombe avec un peu de mascara. Ma sœur est une spécialiste du long terme, ma sœur vous encule avec sa petite langue fourchue, droite et fourchue. Ma sœur tombe au sens littéral du terme.
Prose : ma sœur est rock-2
Ma sœur ne s’arrête pas. Pas ce soir. Ce soir, ma sœur va au bout. Quitte à vomir, comment savoir ? Ma sœur ne vomit pas. Ma sœur conserve des images déformées, au même titre que les autres. Des machineries avec des poils et des fissures à la place des lèvres. Ma sœur tombe, ma sœur a une tâche à accomplir. A None et à Vêpres, ma sœur tombe, ma sœur pense à Toi.
Prose : ma sœur est rock-3
Ma sœur tombe dans son pantalon jaune. Ma sœur tombe dans son jean bleu, dans son faux cuir blanc. Contusion sous cutanée. L’étagère où s’alignent Blake et Saussure sans relation logique. Il y a aussi une cigarette à moitié consumée, visible à long terme. Ma sœur tombe dans un fossé un soir de techno-rock, tatouages mort ou vif sous des tentes provisoires où se pratiquent le bouche-à-bouche et la ligne de coke mélangée au calva. Les pétrolettes de Sées quadrillent l’entrée.
Ma sœur tombe sur la route brumeuse. Orne, 1999, les tabourets des boites de nuit laissent des paillettes sur les doigts. Les mini Cooper vertes et les amours de collection envahissent la RN. Ma sœur tombe le futal, tombe le sous-tif – qu’elle porte par obligation – tombe la neige, en collants teints, triturés pour donner l’effet liane. Ma sœur tombe sous les coups – du poing de l’homme qu’elle aime quand lui, ne l’aime pas.
Ma sœur ne calcule pas les coûts de la folie ordinaire au périmètre 52. Ma sœur tombe. On annonce un troupeau de coyotes, on retape les pare-chocs avec des autocollants récupérés dans des boites de Benco. On rouspète à cause du brouillard parce que l’on voudrait récupérer la mémoire vive de manière éternelle. On n’a pas les pointes de la technologie. On essaie seulement de poser en justaucorps avec ses petits tétons de 13 et ses pieds plats.
Ma sœur tombe encore. Ma sœur tombe au milieu des mouches obèses et contrariées de l’été. Ma sœur a les jambes nues. Ma sœur ne regarde pas le sol, ma sœur regarde le ciel.
Prose : ma sœur est rock-4
Ma sœur croyait en Dieu quand elle dansait. Elle ne croyait plus en rien quand maman disait : « Tu nous fais du mal, ma chérie. »
Prose : ma sœur est rock-5
Ma sœur est rock noir à 10 heures du matin. Alain fait le tour du comptoir pour venir l’embrasser, Cyril a deux dents cassées sur le devant, Roger l’égoutier pue à 4 mètres. Tan et Natacha. L’Est fendu d’un côté, l’Est pull chaussette, col montant, vodka frappée, de l’autre. Une belle gonzesse, ils disent tous. Ma sœur acquiesce. Ma sœur ne tombe pas.
Prose : ma sœur est rock-6
Besoin de surmonter – un paysage, un point de croix, un état d’esprit, comptable – un Homme. « C’est étrange, dit son amie, cette faculté ! »
Prose : ma sœur est rock-7
Ma sœur ne se réveille pas. Ma sœur s’alimente de vers nauséabonds. Des trucs du bac à Charon. Leaf of Grass. Ma sœur patine la nuit sur des pistes glacées en train de fondre. Des bruits de criquets dans les tibias. Ma sœur porte un tutu malingre qui lui donne l’air dégénéré.
Prose : ma sœur est rock-8
Ma sœur tombe les masques et entretient des cimetières avec des chats qui feulent. Elle tombe dans son pantalon noir Morgan taille 34. Un mur. Des bras. Force de propulsion. Ma sœur croit qu’on la retiendra. Ma sœur croit en Dieu quand elle survit. Ma sœur écoute CocoRosie et Thin Lizzy.
Prose : ma sœur est rock-9
Ma sœur monte des stupas invisibles et elle met les pierres les unes sur les autres sans avoir le sens de la physique. Elle pense au pouvoir magique d’A.A. et aux nerfs d’acier dans sa tête. Les amarres claquent et ma sœur ne tombe pas toujours. Elle lance des prières qui poussent en terre et qui s’élèvent. Ma sœur pleure à cause de la beauté quand elle est vue de près. Les bords de rive sont vaseux. Ma sœur tombe en glissant et se retient aux racines.
Prose : ma sœur est rock-10
Ma sœur est rock noir – à l’heure des 6 morts portés en bière – ma sœur est rock noir, ma sœur se fait chier sur la gueule par Suzanne, son gros cul en forme de chaise et ses seins comme des queues de castor, ma sœur tripote les renvois et les glaires, ma sœur débloque les canules des cancéreux dans sa blouse à rayure orange, ma sœur embrasse un survivant du tsunami dans ses bandages véreux, ma sœur regarde une fillette de 9 ans se faire bouffer par les parasites. Ma sœur ne mange pas, ma sœur ne tombe pas. Ma sœur est dans un bois obscur. Des femmes aux mamelons disproportionnés se mélangent aux troncs des arbres et réclament pitance.
Prose : ma sœur est rock-11
Besoin de mortification – le balais et l’encensoir que j’agite derrière comme une garantie – et sans regarder au Judas, je le vois qui vend mes rêves et qui les dispendie. L’œil est rond, rempli de sa poussière. Ce ne sont plus des étoiles. « Curieux, dit son amie, cette attraction du centre. »
Prose : ma sœur est rock-12
Ma sœur a 12 de raison. L’âge de la montre – qu’elle n’a jamais portée. Ma sœur lit les Romantiques juste après Oui-Oui. Ma sœur a du mal à cloisonner ses infinis paysages. Ma sœur veut créer une peau qui enveloppe. MA SŒUR EST MAIGRE. Comme un bout de lard pour une famille entière…