Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

  • : Ateliers de traverse
  • : Ateliers d'écriture: textes, animations, événements, publications
  • Contact

Des lieux

Les Ateliers de traverse

déclinent leurs activités

dans plusieurs régions

Agenda

 Actualités des pôles régionaux

 

avatar_14-copie-1.jpg

Ateliers de traverse 14

" Preuve et Epreuves du sentiment en littérature" 

décembre 2013

à Caen

 

avatar_30.jpg

Ateliers de traverse 30

 

Le rêve de...

  le 19 février 2014

à Nîmes

 

   avatar 76 

Ateliers de traverse 76

Ateliers du jeudi 

saison 2013 - 2014

à St Germain des Essourts

 

    avatar_lilas_paris.jpeg

Ateliers de traverse Lilas - Paris

Fais ton cinéma!

saison 2013 - 2014

à Paris

 
24 janvier 2014 5 24 /01 /janvier /2014 12:03

depardon

 

Photo, Raymond Depardon

 

Je suis dans le Désert. Il n’y a rien à photographier. Je marche. Je n’ai pas d’appareils en bandoulière. Je suis nu. Quand mon pied s’enfonce dans le sable, se creusent des rues, des trottoirs, des villes, des bâtiments, des mers et des montagnes fugitives et coupantes. Je saigne mais mon sang ne coule pas. Je transpire mais je n’ai pas de gouttes sur le visage. Des femmes voilées m’essuient le front, qui est sec comme la poussière du reg. Elles se penchent sur mon visage et je ferme les yeux. Quand je les ouvre à nouveau, elles se sont éloignées, petits points à l’horizon sur une plaque d’huile bouillante. Elles transportent des paniers de sel avec des têtes réduites, des pattes ligotées de chèvres encore palpitantes de vie. Je me dis que je veux mourir dans cette forme d’absence intolérable. Mon objectif est resté dans ma besace à l’hôtel. Ma famille est bien loin en arrière. Les enfants, calcinés sur les bords de la photo, privés du siège arrière, les dents presque trop blanches. Ma femme, une arrière-pensée la veut furieuse et passionnée, une guerre d’usure dans les montagnes afghanes. Je l’ai prise en format classique tant de fois. Je sens cette pensée comme un nerf pendant que je marche, je suis dans sa chambre et je l’étreins, testant différentes distances, éprouvant différentes consistances ou positions, sans ressentir jamais sa proximité. Des tissus remplis d’encre recouvrent les dunes qui tremblent comme des anémones de mer quand je les écarte avec mes doigts. Je me suis égaré, je suis nu, je n’ai pas mon Reflex, je n’ai pas peur. Je suis sous une tente et une vieille femme me touche et me pince le poignet, elle chante des vers en berbère et je ressens le bruit des balles comme une cisaille sous la peau, le cri du couteau dans la ruelle sur la jugulaire fragile d’une jeune vietnamienne, le poids de l’or et de la cupidité dans les poches cousues, l’impunité des paroles claquées comme des fouets sur le dos de la carne. Je les filme avec mon mouvement de manivelle. Je suis un enfant qui tourne dans un cadre imaginaire. Mon père vient de remplir le champ. Ma mère est une silhouette honteuse qui fuit dans le bord gauche. Je suis dans le désert. Il n’y a pas de croix mais tant de corps ensevelis, nettoyés, dépecés. Je n’ai pas peur de mourir. Un dos ténébreux vient se frotter contre moi et nous marchons ensemble.

 

Atelier "Pièces fugitives"


Partager cet article
Repost0
16 février 2013 6 16 /02 /février /2013 04:21
basquiat

Jean-Michel Basquiat

 

Nous ne sommes pas le mouvement sur des canapés mous. Nous ne sommes pas ce mouvement syncopé de l’amour sur des écrans difractés où se tapissent les pyjamas de célibataire en textiles antibactériens. Ils suffoquent les petits propriétaires de Rien. Ils ont le col mou et serré. Ils viennent m’entretenir de colorants quand je pense écru. Nous ne sommes pas le pourtour des monuments de commémoration. Nous nous heurtons sans conséquences à égalité de génération, les vieux et les jeunes répartis dans des box d’incivilité consubstanstielle.

 

A l’arrêt de tram quelqu’un crache sur mes bottes. Je regarde les panneaux lumineux qui indiquent le prix des chambres à la soirée, c’est tout. Je rentre avec ma valise. Des nuages circoncis s’agitent sur les créneaux du château. La Loire enjambe des flots surannés. Tu vas me parler des ponts que nous ne franchirons jamais et mon cœur battra la campagne pour retrouver ce parfum perdu à jamais de l’amour égaré dans les prés. Il y avait quelques moutons. Il y en aura toujours. Des moutons empaillés avec de la peau de bique. Des agneaux que le loup mangera persillés. Des attitudes qu’il ne conviendra pas de dissimuler.

 

J’ai devant moi le mouvement de la chair et le repli de la cire quand elle coule sur la bougie. Des vanités que l’on emprunte pour faire brûlante impression. J’ai devant moi le mouvement de la chair et le repli de la cire quand elle coule sur la bougie. Le rideau gris tombe sur le petit lit du bureau. Le ciel était comme une hémorragie interne. Les gens étaient plats comme un électrocardiogramme. Il y avait ce cri comme un tégument qui continuait de se propager.

 

Nous ne sommes pas contraints à nous agenouiller devant l’apothéose des tyrans. Ce sont nos  cavernes noires. Nous créons du mauvais. A partir de ces petites étincelles, nous ne voyons qu’un bout, celui des yeux qui brillent, celui des cheveux qui prennent feu, celui des corps qui calcinent, dans des plaines atemporelles où s’aimer n’a plus de sens. Les tambours écrasent des hanches et des chevaux délirants. Il pleut. Il pleut, tu crois. Tu crois qu’il pleut. Et tu ne m’embrasses plus jamais même si je le voulais. Nous ne sommes pas volubiles aux mêmes incantations, l’église sonne et les divas transpercent les appartements de 110 m2 sans qu’il y ait forcément du bonheur. Je plie légèrement du talon. On me tient le bras. J’embrasse un front. Nous ne sommes pas l’espace de sécurité protégé, mais presque, non que ce soit une finalité. Nous bêlons.

 

Mâche. L’orange posé sur les verts  comme dans une coupe de fruits. Fosses aquatiques borderline. Trois seringues pointées vers le haut, lèvres à lèvres purulentes. Une femme tremble, une femme frissonne. Aiguilles urbaines sur lesquelles s’affolent les passions. Un homme aux cheveux blancs regarde la neige tomber, bleue, rouge, sur ses épaules. Il grimpe, ce samedi, vers un sommet caché par des matins cliniques que la rosée recouvre comme du linon. De toutes jeunes filles dans des vergers sous la pression onirogène d’un ciel qui ne ment pas. Mâche. Ce que nous ne sommes pas dans ce mouvement trompeur. Ce que nous ne sommes pas, c’est ce qu’il y a au bout. Mâche. La dépendance de nos prises dans le couloir parallèle au mur. La dépendance verrouillée à la puissance des actes. Rumination toxique. Moment unique en fermentation. L’œil qui revient sur soi, l’œil qui se brise comme un œuf dans une soucoupe, qui ne coule pas. Perspective alvéolaire. Au bout du bout de la lunette, je ne vois rien du tout. L’œil géant et la jambe atrophiée, cette jambe ridicule qui fait le tour des choses.

 

Ce que nous ne sommes pas c’est le goulot étroit sur l’écran mixte d’un rêve brouillé. L’enfant penché sous intraveineuse attendant le mauvais lait auquel il est habitué. La glace qui absorbe le sniffeur de poudre et le bâton d’ADN qui jette des sorts. Il fait noir. Les champignons pourrissent comme des langues instables. Jésus rame dans un bac à coke. Une tête de Siva enterrée dans la terre meuble les actualités. Mâche. Les tours carrées, sociopathes, dans la chambre aux bruits d’escalator. Buvard bleu, buvard rouge, buvard arc-en-ciel d’un monde enseveli sous les rouages. Un couple s’embrasse, un couple s’enlace, un couple se perd. Je rentre dans le monde fragile des œufs coque servis en équilibre par le petit bout. Je rentre dans la pièce caoutchouc, la pièce aux poix rouges. Je rentre dans ma robe sur-mesure, ce que je ne suis pas, les barbarismes, le col de dentelle en moins. Je rentre dans le pétrole des jours. Ce que nous ne sommes pas. Ce que nous ne sommes plus. Ces corps qui laissaient passer la lumière comme des bouteilles lavées au vinaigre

 

Mâche. 270 capsules. 270 portraits écarquillés. Une seule boîte crânienne. Derrière la porte, la réflexion est une lame de rasoir abandonnée sur un miroir. Derrière la porte quelqu’un laisse tomber ses cheveux blancs, quelqu’un demande quand finira demain si tout se renouvelle. Derrière la porte, les vaches laitières flottent dans des peaux trop grandes. No milk to die, no milk to die. Je bois pour nourrir le mal-ardent dans les structures du moi infini. Petite chose exaltée, sans principe de réalité. Mâche. Les touches de la béquille sur le béton au milieu des livres factices. Un vieil homme tourne l’angle, une croix subliminale autour du cou. Pas de surveillance psychologique. Nous sommes Nus ce que nous ne sommes pas. Nous sommes le nu visible de ce que nous ne sommes pas. Les préservatifs côtoient les cotons argentiques dans un fond de tiroir vernaculaire. Les murs sont pris par la vitesse du risque. Lenteur de principe comme un sabot macabre qui décompte le temps et la ruine. Nous nous tenons, asyntaxiques, les bras serrés le long du corps reliés à des sondes, des petits trous pour regarder au travers. Nous sommes le nu visible de ce que nous ne sommes pas. La fente de la roche qui fume, du graphite plein le menton comme si quelqu’un s’y était repris à deux fois pour tout effacer. Ce quelqu’un tend aussi le démaquillant.

 

Ce que nous ne sommes pas. Revenus en arrière. Ce que nous ne sommes plus. Des revenants. Atropa Belladone, les petites filles et la mort, toujours séchées dans un herbier. Je n’ai vu que le vide envahissant le vide et tout paraît si loin. Les poumons sont une abstraction, le cœur, une forme innommable qui bat faiblement sur l’étal. Je me couche pour trouver le moyen d’aimer, soulevant le rideau de la forêt profonde. Je marche sur les aiguilles douces et craquantes du pin majestueux qui devient sombre. Je marche au milieu des femmes en morceaux, le long d’un lit qui ne dort pas. Je me couche pour contempler les étoiles. Orientation de l’esprit, orientation du doigt. Je tire en visant d’un œil. Tu meurs et tu revis. Ce que nous ne sommes pas. Toute Puissance. Langage construit sous l’emprise de l’infiniment petit. L’homme dont la santé s’inquiète du peu. L’homme qui tamponne sa veine pour y créer des œuvres. Sa moitié confinée dans un cadre qui la dédouble et la dilate. Sa moitié sous influences, sa moitié complexe. Sa moitié évaporée. Le jeu de ficelles qui nous attache au stupéfiant modèle. L’homme qui désire, qui fait crier ses plaies, qui m’abandonne ouverte. Des manèges incandescents virevoltent à mes pieds. Des chevaux montent et descendent. Les mômes qui ont peur de chuter s’agrippent. Mains précieuses, lettres mortelles. Je suis l’état d’âme introduit au niveau du coude, parti-pris sans matière, tuyau plein d’amertume.

 

Mâche. Les silhouettes sous les nuages de polyamide. Mâche l’ennui sous l’arbre flotté, mâche le compagnon de voyage, mâche les bombes dans les assiettes de poupées. Mâche le poids de l’Herbe, mâche les volutes comme des voiles, mâche le cri de la toxine de porc sur la poitrine extatique de l’homme, mâche les doses pour le cœur dans une cour avec un peloton d’exécution, mâche les cuisses qui ne s’ouvrent plus sous la jupe baissée, compassionnelle, mâche la substance transhumée, l’innocence perdue dans le mouvement, mâche le courage comme un garrot sur la veine, mâche le cran de sûreté, l’inertie de la marge, le saignement de nez et la mèche qui prend feu sous les pétards. Mâche l’horloge qui déplace l’aiguille, mâche la main qui efface la trotteuse, mâche le chiffon doux sur l’adrénaline effacée des jours, l’eau qui ne s’écoule pas, psychotrope, dans le contour des choses… Ce que nous ne sommes pas

Partager cet article
Repost0
4 mai 2011 3 04 /05 /mai /2011 09:50

 Nuage de moucherons sur les pétales de camélia rouges. Sainte Agathe et son sein unique sur un plateau.


Linaires, agripaumes cardiaques, vase de nuit, broc et pichet. « Transpirer des pieds. (Une) femme artiste ne peut être qu’une catin ».


1840. Rencontre d’Elisa Schlésinger à Trouville. J’aurai sa main et sa face. Liaison orageuse à l’hôtel Dieu. « Cornues et bocaux où nagent des choses innommables, des viscères en charpie… »


« Œuf. Point de départ pour une dissertation philosophique sur la genèse des êtres. » Elle meurt le 6 avril 1872.

Machine sûre et commode pour tirer des silhouettes : « On ne retrouve notre pauvre vieille que partiellement ».


Bosse du crime. Idéal tout à fait inutile.


N°31 : Eustache (la trompe). La phrénologie est une science lugubre.


Accès réservé au personnel du musée : les chambres. Salle capitulaire : début de la visite.


Portrait au ruban. « Erection. Ne se dit qu’en parlant des monuments. » Le lit de G. F. Celui de Madeleine. Morpho dans sa boite d’origine.


Euphorbe. Pied de chat. Bec en sabre du Brésil. « Mercure tue le malade et la maladie ».


« Introduction. Mot obscène. » Avec un doigt dans le rectum, on amène le calcul contre la vessie.


Bibliomanie : restitution de papier peint, ses yeux énormes couleur vert de mer, une boisson aigre et fermentée qui fait quelque fois sauter la bonde.


Ecorché. Pas vif. En cire colorée.


Lithotriteur à archet de civiale : une machine à broyer le temps, un instrument qui permet d’éviter les erreurs de calcul.


2 lézards sur les oreilles et une grenouille sur la fontanelle. Vanité, humeur cristalline, résection des maxillaires : la partie latérale et inférieure droite de la face est projetée en avant et en bas.


Hernie étranglée : squelettologie d’un perroquet jeune.


N°18 : l’ancêtre du préservatif. A plumes et à poils.


Momies - homme et femme - du bois dont ne se chauffe que provisoirement.


Chaise haute : pour ligoter et amputer sans effort.


Gorgeret cystotome, lithotome à face cachée. Le corps est en pièces détachées. Cri silencieux. Plaie recousue. Plaie ouverte. Saint Roch tient le bourdon.


Une pierre verte de 70 grammes. La pierre de qui ?


Un fœtus calcifié dans un abdomen depuis 18 ans. Le fœtus de qui ?


Trousse de trépanation : le mal des ardents, les 900 victimes de 1832, les mathelineux, le cochon de Saint-Antoine.


Collection coprologique, utérus en tissu. Le désert produit des dates. Fumeterre, Mélilot.


Dictionnaire universel des drogues simples. Le tapis avec le clystère. Le perchoir des sangsues. « Ah, la littérature quelle démangeaison permanente.»

 


Partager cet article
Repost0
4 mai 2011 3 04 /05 /mai /2011 09:48

 Peinture écaillée

Emanation Tika Gosh

Longue et monochrome

Ciel radieux d’apesanteur

Sans bruit de l’acrotère glisse

 


Partager cet article
Repost0
4 mai 2011 3 04 /05 /mai /2011 09:45

 Mon Amie,


Vous souffrez, je le devine, d’un Vulgum Pecus. Vous êtes comme une peinture écaillée, un heurtoir, une porte si conventionnellement bourgeoise qu’à peine ouverte,  vous vous fermez aussitôt. Vous ressemblez à cette rue Martainville que vous me décrivez. Vous sentez la flanelle grise quand vous marchez et vous ne voyez plus le soleil d’en face sur les arêtiers. Votre existence est un angle sans surprise. Vous vous sentez longue, longue et monochrome.


Mon amie, vous déambulez, vous rêvez de l’ombre écrasante de la  Cathédrale et de l’odeur des pestiférés. La  SCI médicale, me dites-vous ? Croyez-vous qu’ils sauront vous guérir de ce mal ? Ils ont des drapeaux et ils poussent des portes après avoir gravi des étages, franchi des couloirs étroits et jeté un œil sur les draps. Ils ont de l’électricité et il vous faut du calme.


Tout d’abord, vous devez vous éloigner des murs humides et bannir les épices qui vous rongent par le bas. Le Vulgum Pecus adore l’humidité. Le Vulgum Pecus raffole du spongieux. Il vous faut donc de la nourriture saine (plus de cuisine pakistanaise) et du soleil (sentez-vous ce frémissement vers 6 heures du matin, cette prémonition d’un ciel radieux en apesanteur ?).


Ensuite, vous devez envisager votre vie en relief avec des feuilles de vigne sur de la féta, des  escarpins bleu vif, des trucs à emporter ou à consommer sur place, vous voyez ? Vous ne devez pas tourner la tête ni hésiter sur le choix de la  baguette, même si les croissants sont énormes. Xavier Roger est mort et RASK, comme Gemini, sont des abstractions. Le Vulgum Pecus aime bien brouiller les codes, rappelez-vous en ma chère amie.


Vous habitez au-dessus de « La Terre, La Pierre, Le Bois, et Le Métal ». Ce sont des signes favorables. Le compagnon du Levain, aussi. Il y a dans votre rue un repli marginal que je suis le seul à percevoir. Croyez-moi, vous êtes sous des influences qui vous dépassent. Prenez du B 80 à raison de 1 comprimé matin, midi et soir pendant une semaine. Puis achetez du Taya, doses classiques, 5 Ch, puis 7, 7, 7. Et vous m’en direz des nouvelles.


Vous savez comme j’accorde de l’intérêt à votre santé et vous avez confiance en moi. Fuyez également les lions de Normandie, les queues de dragon et blasons à moitié effacés. Cherchez l’Installation tactile permanente. PINESE L. et SPIRAN E. pourront vous aider, ils vous prendront séance tenante, je les connais.


Pour finir, mon amie, le gaz ne tient pas les chiens en laisse et votre Visa Gold n’empêchera pas la Seine de couler, aussi ne désespérez pas. Le Vulgum Pecus est facile à soigner si vous y mettez du vôtre. Quant à moi, je suis de tout cœur avec vous,


Votre ami dévoué,

Jacques CADUCEE

 


Partager cet article
Repost0
4 mai 2011 3 04 /05 /mai /2011 09:40

« Détachées de leur origine, elles dérivent dans un champ d’aperception, sans trouver de point d’ancrage »

 

Elle touche la peinture écaillée, le heurtoir, la porte si conventionnellement bourgeoise du 140 de la rue Martainville. Voussures de flanelle grise élimée. Arêtiers transpercés par les reflets du soleil d’en face. Les vitres froides de la SCI médicale se succèdent sans surprise jusqu’à l’angle où déambulent des groupes avec drapeaux sous l’ombre écrasante de la Cathédrale. Elle se dit comme chaque jour que la journée va être longue, longue et monochrome.


Il pousse la porte du 142. Il pense qu’il a trois étages à monter et le couloir étroit à traverser avant d’arriver à sa chambre de bonne et de s’affaler sur son lit dont les draps n’ont pas été changés depuis qu’il a emménagé. Il pense à l’électricité, à cette fille qu’il a croisée en sortant du bar, aux émanations de cuisine pakistanaise qui transpirent des murs humides depuis l’ouverture du nouveau restaurant, en bas.


Il se demande s’il va faire beaucoup de clients aujourd’hui. Ils ont annoncé du soleil pour toute la journée alors il a sorti les tables sur la terrasse mais on ne sait jamais, avec la crise, et puis il est nouveau dans le quartier, il faut le temps de se faire connaître. Ikram a marqué au menu les plats traditionnels : biryani, karahi gosh, sihr kebab, pokola, samosas, kari, poulet tandoori, nan au fromage, tika gosh, zerda halwa. Il contemple avec satisfaction son pas-de-porte, les couleurs violet sombre de la vitrine et l’enseigne avec le logo 144.


Elle sort du 148. Il est tard et elle sent qu’elle ne doit RIEN perdre de cette journée. Il y a eu ce frémissement vers 6 heures du matin, cette prémonition d’un ciel radieux avec des étals colorés et des gens en apesanteur. Une matinée en relief avec des feuilles de vigne sur de la féta. Des trucs à emporter ou à consommer sur place. Elle aime quand flotte dans Rouen ce symptôme de liberté, cette autorisation à se saluer sans raison. Elle a mis ses escarpins bleu vif et elle ne tourne pas la tête.


Au même moment, il se dit qu’il aurait dû prendre une baguette céréales. « Le compagnon du levain fait des pains exceptionnels, et tu verrais les croissants, ils sont énormes, j’ai jamais vu des croissants aussi énormes ! ».  Elle a roulé des yeux pour bien montrer à quel point ils étaient irrésistibles alors il a acheté 4 croissants, 2 pains au chocolat et 2 brioches, il ne sait pas ce qu’elle préfère. Il sait qu’elle a une peau délicieuse et des lèvres délicates. Il sait qu’elle est en 2ème année de droit et qu’elle se donne le temps de réfléchir à son avenir.


Il voit ça tous les jours, les inscriptions gravées dans la craie au dessus du poste électrique, RASK, Gemini, Arch, Xavier Roger 1800 quelque chose, la date est effacée. Tous les jours, il se répète qu’il habite au 152 de la rue Martainville, au-dessus de « La Terre, La Pierre, Le Bois, Le Métal ». Il ignore ce que signifie RASK. Il ignore ce que signifie Gemini. Il se demande s’il va choisir un plat à emporter ou à consommer sur place. Il se demande s’il va se souvenir du code quand il reviendra. Il se demande s’il a envie de revenir.


Au 160, 162 et 164 de la rue Martainville, les portes sont fermées. Elle aime bien le lion de Normandie, les queues de dragon, le blason à moitié effacé, des signes magiques qu’elle pense être la seule à percevoir. Par exemple, Taya, B 80, et Installation tactile permanente qu’il faut pouvoir relier. Elle se dit  qu’il y a ce repli marginal au 160. Et qu’après, elle fera du sur place. Elle se dit que PINESE L. et SPIRAN E. possèdent tous deux un garage à ouverture manuelle au 162. Elle se dit que son amour ressemble à un collecteur. Elle va à sa séance. Elle pense qu’elle est ignorante, furieuse, impatiente, elle pense que c’est fichu d’avance.


Au 164 TER, ils sont plusieurs. Ils glissent sans bruit de l’acrotère. Ils se coincent les doigts dans la serrure. Il se dit : Play time. Il se dit : Play Time Au cœur des Terrasses. Il est le seul à avoir une terrasse et à profiter du soleil en direct. Il se dit : Poste Gaz. Médiation. Il se dit : Tenir les chiens en laisse. Il se dit : deux faucilles. Une tête de mort. Un battoir. Une cloche. Un caducée. Il se sert de sa Visa Gold. Il préfère oublier.


Pendant ce temps, au 180, elle réalise qu’elle a oublié ses clés, elle les voit sur très nettement, sur le bureau à côté de l’agrafeuse. Elle se dit que plus haut, à droite, il y a la rue Saint-Romain. Que plus bas, beaucoup plus bas, coulent la Seine et les ponts comme des bras articulés. Elle se dit qu’il n’y a qu’un pas de deux à faire pour rejoindre le côté sombre, le côté liquide, le côté enterré, le côté des teigneux. Elle est danseuse. Elle se dit que la rue du Bec traverse l’ensemble. Elle se dit que l’espoir fait vivre.

 

 

Partager cet article
Repost0
4 mai 2011 3 04 /05 /mai /2011 09:33

Je suis Rouen, je ne suis pas Rouen le gueuloir, je ne suis pas Rouen les ossuaires. Je suis l’Exocet, je suis La Cascade. Je ne suis pas Rouen l’extrême onction de mes os à l’héro, je ne suis pas Rouen la chasse à baise humide dans les bois sombres. Je suis la petite Carmélite,  je suis les rouleaux vapeur pour pas chers, pas loin du bar des Fleurs, je suis l’ondulation de Salomé, je suis la jeunesse et l’apprentissage.


Je ne suis pas le cimetière charnier, je suis le poumon, je ne suis pas la putréfaction, je suis l’activité. Je suis la lucarne pour accéder, je suis les crânes gravés dans les sablières et les potelets. Celui-là est menaçant, celui-là a des pommettes saillantes, celui-là a une fente à la place de la bouche. Je ne suis pas la peste noire, je ne suis pas le bubon sur la cuisse de Saint-Roch, je suis Rouen.


Je suis…     ALINA         …. Je suis « Street fighter », je suis le bleu méthylène qui dégueule de la gouttière sur les gravillons. Je suis Rouen dans l’Aître, Rouen dans le non-être. Je suis celui qui « a la couille dure comme le fer ». « Je suis un infirme ». Je suis la danse macabre en plein soleil, je suis la merde décomposée sur laquelle viennent se poser les mouches, la pelle pour le charnier,  je suis un infirme sous  les serpents entrelacés.


Je ne suis pas Rouen la pénitence. Je ne suis pas Rouen le battoir. Je ne suis pas Rouen l’éternité. Je suis Rouen comme une épée, un fer à cheval, un livre ouvert, un bassinet. Je suis Rouen comme un lit pour 6 personnes. Celui-là semble bienveillant, celui-là à la mâchoire ouverte en deux, celui-là est improbable comme un jour d’avril. Je suis Rouen dans ses instruments, dans sa récolte. Je ne suis pas Rouen dans sa cour carrée, dans ses drapés sans tête, dans ses fascines asexuées.


Je suis le périmètre gravillonné, je suis l’espace où les couples vont par deux sans se toucher. Je suis le crissement caractéristique de Saint-Maclou, mica, ardoise et verre pilés, je suis la maudite cadence sur la terre en décomposition. Je suis le nodule sur l’écorce, la rémanence sur la croix meurtrie. Celui-là a la gueule noire comme un four. Celui-là a encore ses dents sagement rangées mais presque plus rien autour. Celui-là est un homme, celui-là est une femme, celui-là est un enfant avec son bonnet.


Je ne suis pas Rouen la Charrette, je ne suis pas Rouen qui rappelle au ciel, je ne suis pas Rouen. Je suis Rouen dans la cour fermée, je suis les couples silencieux qui marchent sans se toucher. Je suis le charme en plein essor dans le cloître arthritique, le frottement, le grattement des pinceaux dans l’aile sud, je suis les murs, le poids des morts près du Christ en bronze vert. Celui-là te ressemble. Celui-là me ressemble. Je suis Rouen.

 


Partager cet article
Repost0
4 mai 2011 3 04 /05 /mai /2011 09:27

Ce qui ne me dépayse pas, c’est le début. Les 20 kilomètres en mobylette, champs glacés, casque couvert de givre, ou de rosée, ou de neige. Ce qui ne dépayse pas c’est l’arrivée sur la Nationale, la descente de la rue Jean Moulin, la Poterie juste en bas, l’attente de la DS sur pneumatique au collège des filles de Notre-Dame, les vitres teintées et les 120 kms jusqu’à Rouen, dans les silences en lacets, confortablement installée dans quelque chose d’interminable avant l’arrivée sur les Docks, la tour impersonnelle des Archives.


Ce qui ne me dépayse pas c’est l’ordre instable des ponts. Les silhouettes qui arpentent des quais microscopiques où tangue le ventre bleu des péniches. Le chœur du dimanche matin et la tôle ondulée où crépite la pluie. Ce qui ne me dépayse pas c’est le dernier palier branlant, les papillons exotiques rue des Bons Enfants, les vitraux du 14ème siècle et l’ombre que laissent les souvenirs quand ils marchent. C’est qui ne me dépayse pas c’est le décalage, c’est la violence, c’est l’indifférence.


C’est la fumée croupie, c’est le ciel comme du lait caillé sur la Seine, c’est le cul d’une fille derrière les banquettes du Yellow Cab, c’est le pigeon efflanqué qui s’est arrêté de picorer place Jeanne d’Arc, c’est le monogramme de chez Varin sur les porte-couverts minimalistes, c’est le pull à roses rouges du marché Saint-Marc, c’est le coupon gris de la friperie, c’est le Gin ramené d’Angleterre par Philippe Ringuenet. Ce qui ne me dépayse pas, c’est l’arrière-salle, c’est le profil de l’étudiante en lettres avec un panier en osier et des gros seins.


Ce qui ne me dépayse pas c’est la vieillerie, c’est le noir absolu, c’est le sentiment d’asphyxie dans la rue du Contrat social. C’est le sentiment d’abandon sous un toit pointu déconnecté du monde. C’est le coup précis de la botte sur mon sternum après les Chihuahuas. C’est l’errance à toute heure du jour et de la nuit, comme déplacés d’un cran. Ce qui ne me dépayse pas, c’est de baiser avec le petit jeune homme, c’est de promener un chien dalmatien dans les rues de Rouen.


Ce qui ne me dépayse pas c’est JR, c’est Horst Tappert, c’est Stéphanie de Monaco, c’est la boule de flipper, c’est Le Renard, c’est l’épée des chevaliers et la conjonction des corps, c’est l’épreuve de Misère, c’est le torchon brodé Suzanne B, la malédiction de Vellini, la fille qui fait ses gammes au violon, rue Saint-Romain. Ce qui ne me dépayse pas c’est celle qui ne mange que des glaces, qui vole des blousons Armani, qui collectionne les animaux empaillés, c’est celle qui a un nez de clown, qui est bi, qui préfère les shoots au-dessus du Robec, c’est celle ne peut pas sortir parce que son mec est jaloux.


Ce qui ne me dépayse pas c’est l’ascèse, c’est le sacrifice, c’est l’échangisme. C’est le nouvel amour, plus sombre, plus dense, plus précis. C’est la domination des falaises sur la langueur écœurante du fleuve. C’est la ferveur du Romantisme sur le pont Guillaume, c’est le parcours du Ténébreux qui porte des bas pour la première fois, c’est l’étage humide où l’on va chercher le beurre, le passage étroit où Rouen devient orange comme un sous pull en lycra.

 


Partager cet article
Repost0
12 février 2011 6 12 /02 /février /2011 16:55

Prose : ma sœur est rock-1

Ma sœur tombe. Les convenances. Ma sœur tombe dans la zone contaminée. La zone sensible des peaux qui vieillissent et le marché des camelots. Ma sœur est une tombe avec un peu de mascara. Ma sœur est une spécialiste du long terme, ma sœur vous encule avec sa petite langue fourchue, droite et fourchue. Ma sœur tombe au sens littéral du terme.

 

Prose : ma sœur est rock-2

Ma sœur ne s’arrête pas. Pas ce soir. Ce soir, ma sœur va au bout. Quitte à vomir, comment savoir ? Ma sœur ne vomit pas. Ma sœur conserve des images déformées, au même titre que les autres. Des machineries avec des poils et des fissures à la place des lèvres. Ma sœur tombe, ma sœur a une tâche à accomplir. A None et à Vêpres, ma sœur tombe, ma sœur pense à Toi.

 

Prose : ma sœur est rock-3

Ma sœur tombe dans son pantalon jaune. Ma sœur tombe dans son jean bleu, dans son faux cuir blanc. Contusion sous cutanée. L’étagère où s’alignent Blake et Saussure sans relation logique. Il y a aussi une cigarette à moitié consumée, visible à long terme. Ma sœur tombe dans un fossé un soir de techno-rock, tatouages mort ou vif sous des tentes provisoires où se pratiquent le bouche-à-bouche et la ligne de coke mélangée au calva. Les pétrolettes de Sées quadrillent l’entrée.

Ma sœur tombe sur la route brumeuse. Orne, 1999, les tabourets des boites de nuit laissent des paillettes sur les doigts. Les mini Cooper vertes et les amours de collection envahissent la RN. Ma sœur tombe le futal, tombe le sous-tif – qu’elle porte par obligation – tombe la neige, en collants teints, triturés pour donner l’effet liane. Ma sœur tombe sous les coups – du poing de l’homme qu’elle aime quand lui, ne l’aime pas.

Ma sœur ne calcule pas les coûts de la folie ordinaire au périmètre 52. Ma sœur tombe. On annonce un troupeau de coyotes, on retape les pare-chocs avec des autocollants récupérés dans des boites de Benco. On rouspète à cause du brouillard parce que l’on voudrait récupérer la mémoire vive de manière éternelle. On n’a pas les pointes de la technologie. On essaie seulement de poser en justaucorps avec ses petits tétons de 13 et ses pieds plats.

Ma sœur tombe encore. Ma sœur tombe au milieu des mouches obèses et contrariées de l’été. Ma sœur a les jambes nues. Ma sœur ne regarde pas le sol, ma sœur regarde le ciel.

 

Prose : ma sœur est rock-4

Ma sœur croyait en Dieu quand elle dansait. Elle ne croyait plus en rien quand maman disait : « Tu nous fais du mal, ma chérie. »

 

Prose : ma sœur est rock-5

Ma sœur est rock noir à 10 heures du matin. Alain fait le tour du comptoir pour venir l’embrasser, Cyril a deux dents cassées sur le devant, Roger l’égoutier pue à 4 mètres. Tan et Natacha. L’Est fendu d’un côté, l’Est pull chaussette, col montant, vodka frappée, de l’autre. Une belle gonzesse, ils disent tous. Ma sœur acquiesce. Ma sœur ne tombe pas.

 

Prose : ma sœur est rock-6

Besoin de surmonter – un paysage, un point de croix, un état d’esprit, comptable – un Homme. « C’est étrange, dit son amie, cette faculté ! »

 

Prose : ma sœur est rock-7

Ma sœur ne se réveille pas. Ma sœur s’alimente de vers nauséabonds. Des trucs du bac à Charon. Leaf of Grass. Ma sœur patine la nuit sur des pistes glacées en train de fondre. Des bruits de criquets dans les tibias. Ma sœur porte un tutu malingre qui lui donne l’air dégénéré.

 

Prose : ma sœur est rock-8

Ma sœur tombe les masques et entretient des cimetières avec des chats qui feulent. Elle tombe dans son pantalon noir Morgan taille 34. Un mur. Des bras. Force de propulsion. Ma sœur croit qu’on la retiendra. Ma sœur croit en Dieu quand elle survit. Ma sœur écoute CocoRosie et Thin Lizzy.

 

Prose : ma sœur est rock-9

 Ma sœur monte des stupas invisibles et elle met les pierres les unes sur les autres sans avoir le sens de la physique. Elle pense au pouvoir magique d’A.A. et aux nerfs d’acier dans sa tête. Les amarres claquent et ma sœur ne tombe pas toujours. Elle lance des prières qui poussent en terre et qui s’élèvent. Ma sœur pleure à cause de la beauté quand elle est vue de près. Les bords de rive sont vaseux. Ma sœur tombe en glissant et se retient aux racines.

 

Prose : ma sœur est rock-10

Ma sœur est rock noir – à l’heure des 6 morts portés en bière – ma sœur est rock noir, ma sœur se fait chier sur la gueule par Suzanne, son gros cul en forme de chaise et ses seins comme des queues de castor, ma sœur tripote les renvois et les glaires, ma sœur débloque les canules des cancéreux dans sa blouse à rayure orange, ma sœur embrasse un survivant du tsunami dans ses bandages véreux, ma sœur regarde une fillette de 9 ans se faire bouffer par les parasites. Ma sœur ne mange pas, ma sœur ne tombe pas. Ma sœur est dans un bois obscur. Des femmes aux mamelons disproportionnés se mélangent aux troncs des arbres et réclament pitance.

Prose : ma sœur est rock-11

Besoin de mortification – le balais et l’encensoir que j’agite derrière comme une garantie – et sans regarder au Judas, je le vois qui vend mes rêves et qui les dispendie. L’œil est rond, rempli de sa poussière. Ce ne sont plus des étoiles. « Curieux, dit son amie, cette attraction du centre. »

 

Prose : ma sœur est rock-12

Ma sœur a 12 de raison. L’âge de la montre – qu’elle n’a jamais portée. Ma sœur lit les Romantiques juste après Oui-Oui. Ma sœur a du mal à cloisonner ses infinis paysages. Ma sœur veut créer une peau qui enveloppe. MA SŒUR EST MAIGRE. Comme un bout de lard pour une famille entière…

 

 

Partager cet article
Repost0
21 novembre 2009 6 21 /11 /novembre /2009 16:08
  • Chercher une chanson symbole (une chanson qui soit un signal fort, une empreinte rock): nous l'exploiterons de deux manières "hors champ" ou "creuser un angle"

Partager cet article
Repost0