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Des lieux

Les Ateliers de traverse

déclinent leurs activités

dans plusieurs régions

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 Actualités des pôles régionaux

 

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Ateliers de traverse 14

" Preuve et Epreuves du sentiment en littérature" 

décembre 2013

à Caen

 

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Ateliers de traverse 30

 

Le rêve de...

  le 19 février 2014

à Nîmes

 

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Ateliers de traverse 76

Ateliers du jeudi 

saison 2013 - 2014

à St Germain des Essourts

 

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Ateliers de traverse Lilas - Paris

Fais ton cinéma!

saison 2013 - 2014

à Paris

 
1 octobre 2005 6 01 /10 /octobre /2005 09:27
Photo 1 – la bassineundefined

Sur la droite, à côté du banc vert, je me souviens du baquet d’eaux usées pour ne pas gaspiller et, en face, la cage aux oiseaux que j’ai toujours vue vide. Il y a des centaurées et des marguerites qui poussent dans les jardinières. Papa nounou travaille dans l’électronique de haute précision. Ma nounou à moi est nounou. Ça veut dire qu’elle porte des blouses en nylon, à carreaux la plupart du temps, et qu’elle a toujours trop chaud. C’est pour ça qu’elle a les bras nus, même en hiver. Ça veut dire qu’elle fait les meilleures tartines beurre sucre du monde. Jean-pierre, le benjamin, collectionne les porte-clés publicitaires. Il en a des centaines, accrochés avec des clous, sur la porte de son placard, là-haut dans la chambre. Je ne sais pas ce que je fais là dans la bassine. J’ai un livre de Bibi Fricotin que je tiens bien serré entre les genoux. Il y a de l’inquiétude sur mon visage, dans la façon dont je ne regarde pas l’objectif mais quelqu’un qui est placé sur la droite. Quelqu’un hors champ qui retient mon attention.

Photo 2 – le clou undefined
J’imagine qu’il n’y avait rien d’autre à faire que d’attraper ce fichu clou. Cette photo pourrait avoir été prise dans un quartier ouvrier en Irlande. Un mur noir et blanc. En périphérie. Et une petite fille que l’on fait poser, juchée sur un caisson en béton. Alors, elle attrape le clou. Parce que c’est ce que l’homme lui demande de faire.




















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Photo 3 – le bouquet
J’adorais cette robe rouge à pois blancs avec le volant en bas et le nœud sur le liseré du col. On venait juste d’aller la chercher chez la couturière. C’était le début du printemps. Pendant un temps, ma mère faisait faire tous nos vêtements par madame Duclos, une petite bonne femme d’origine espagnole, avec des gros seins et des épingles partout. Des vêtements qu’on ne portait jamais longtemps soit parce qu’ils se démodaient vite, soit parce que le tissu grattait et que ça me donnait des allergies. C’était toujours vert ou bleu pour ma sœur, rouge ou orange pour moi. Parce que l’inverse, ça n’allait pas à nos teints. Ma mère voulait tellement nous plaire qu’elle se gardait bien de nous demander notre avis de toute façon. Je me rappelle que j’avais été malade, que c’était ma première sortie après une longue période de convalescence, que maman m’avait coiffé les cheveux et mis une barrette, qu’on avait pris la voiture pour aller se promener à la campagne. Je me rappelle qu’il faisait frais. A chaque fois que je vois cette photo, j’ai envie de serrer les bras de cette petite fille et d’accepter son bouquet.

 Photo 4 – profil undefined

C’est cette femme tranchée, lisse et absente qui m’intéresse. Elle s’est détournée de l’objectif. Elle est appuyée contre un tronc d’arbre et elle respire avec application et retenue parce que les ailes de son nez sont tendues et légèrement gonflées. Elle a un peu le vertige à cause de la forêt. Elle se laisse prendre en photo parce qu’elle sait que c’est fini. Que l’amour est fini, d’une certaine manière.


















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Photo 5 – la chevelure
Morte, j’aurai aimé ressembler à ça. Cet abandon. Cette sérénité. Je ne pose pas. Je me suis endormie. J’ai l’air de flotter sur un lac. J’ai l’air de porter une bannière. Invisible. Dans le vieux pull bleu qui descend aux genoux . Et sur les mains. Mais peut-être suis-je morte ce jour-là. Tenant presque un autre doigt.

 









Photo 6 – la tasse de thé
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Marché d’Istanbul. Une place avec des orangers. Un jeu d’arcades. Des pigeons sous les arêtiers. Mes sourcils que l’on pourrait croire contrariés. La mosquée aux chaussons alignés.

En réalité, je suis jeune d’amour. J’aimais mes seins sous le chemisier – qui battaient pour toi.

 


















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Photo 7 – la poitrine
Elle voulait faire des photos sur les femmes en train d’allaiter, des jeunes mères avec de belles poitrines. Elle disait que ma peau brillait trop alors elle m’a tartiné de fond de teint puis de poudre. Elle m’a attachée au radiateur. Je lui ai soufflé ma fumée au visage. Je lui ai craché mon mépris. Elle a exposé les photos.

 
 





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Photo 8 – la pince
J’étais mère courage. J’avais de la colère à produire. Pas un tout petit peu de colère. Beaucoup de colère. Un truc qui ne se referme pas, un truc genre volcan dont ne peut prédire exactement l’éruption mais dont on sait que c’est imminent. Je me pince les ongles, mâchoires verrouillées, et mon cou est tordu comme une corde. Dans quinze minutes, je pousserai le rideau dans ma robe bleue qui pue la poussière. Ça, ça me met en colère, ça et la tête qu’il fait quand il me voit dans ma colère. Dans quinze minutes, je suis mère courage avec des griffes dehors pour protéger mon territoire – ma colère – mes petits.

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