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Des lieux

Les Ateliers de traverse

déclinent leurs activités

dans plusieurs régions

Agenda

 Actualités des pôles régionaux

 

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Ateliers de traverse 14

" Preuve et Epreuves du sentiment en littérature" 

décembre 2013

à Caen

 

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Ateliers de traverse 30

 

Le rêve de...

  le 19 février 2014

à Nîmes

 

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Ateliers de traverse 76

Ateliers du jeudi 

saison 2013 - 2014

à St Germain des Essourts

 

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Ateliers de traverse Lilas - Paris

Fais ton cinéma!

saison 2013 - 2014

à Paris

 
1 mars 2012 4 01 /03 /mars /2012 12:43

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                 Sculptures de fibres, Simone Pheulpin

 

Les historiens contemporains n’en tiendront sans doute pas compte mais la Saint Valentin cette année avait été bleue, de ce blafard charbonneux des coups dont il l’avait rouée, à terre, sans qu’aucun filtre ne puisse endiguer la violence. Le corps radical d’Alison s’était débattu, cette fois-ci il avait poussé loin le bouchon, trop loin. Renversée sur le verre de la table basse qui se craquelait, maintenue au sol par une paire d’Air  Jordan XI "Space Jam", par la fenêtre elle avait pu entendre la chatte du voisin, qu’elle savait perchée sur le poteau d’angle des deux propriétés, miauler sous les étoiles.


La soirée avait mal commencé, rythmée d’un leitmotiv inquiétant « Il y a du malin en moi. Les femmes ne veulent qu’être belles. Il faut que je m’en débarrasse ! »


Elle le pensait fou, il s’avérait fou. Sans rire !

 

Elle fouille où s’est niché son instinct de survie, regarde une dernière fois son homme méconnu, elle se sait rincée, elle lâche tout. Elle n’a plus très chaud, des crispations envahissent ses phalanges, au-dessus d’elle voltige une station balnéaire, elle hume l’air iodé dont elle n’a déjà plus besoin, elle rétrécit et s’agrandit à nouveau, une nuit poisseuse relie tous les viaducs de sa mémoire, il lui faut retrouver un corps qui marche. Elle invente qu’il l’embrasse. Elle a froid, elle ne pense plus, une certaine agitation se fait autour d’elle, elle repart dans les limbes. D’étranges ressemblances s’imposent à elle, un domino absurde - au bord d’un lac des graines de sésame, l’étagère vermoulue de chez sa mam’, une blague qui circulait chez ses copains adolescents, toutes les filles de Tarantino, les Noëls qu’elle n’a plus fêtés…


Elle n’a jamais prétendu être une femme puissante, elle a manqué de crudité, maintenant elle arrête de pédaler, elle n’a plus besoin de permis ce soir, la mise à l’eau est différée, elle ne va pas échapper au super méchant de son histoire d’amour.


Elle rejoint son héros qui se cachait sous d’épaisses lunettes et des effluves de roses marocaines.


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1 mars 2012 4 01 /03 /mars /2012 09:41

bribacte guatemala  

     Sculptures de fibres, Marie Noëlle Fontan

 

 

Sous les palétuviers, Simone écoute non pas le bruit des aiguilles mais celui des outils chirurgicaux qui découpent les fils. Souples, les mains agencent les plaies avec une extrême précaution.
Le roi Asclépias a ordonné que les portes soient fermées. Le dictateur et ses fils entrecroisent leurs chevilles tandis que l’électricité enchâsse à nouveau des membres.
 

 

Dans l’ombre, intactes les cosses et les bourgeons.
 

 

Le roi - J’ai l’impression de n’avoir rien inventé. Autour de moi, les ancêtres sont suspendus au plafond, d’autres au sol cheminent et l’aube point.
La servante - Jeune, tu étais cassant, mon roi ! Vieux, voilà que tu t’effrites. De par les fenêtres s’insinuent les fantômes qui ne hurlent plus. Les bobines de fil se déroulent.
 

 

Dans l’ombre, intactes les cosses et les bourgeons.
 

 

De Bibracte au Guatemala le temps a passé. Les branchages ont rogné ton palais, roi Asclépias qui n’est plus. Ta fidèle Simone a survécu, elle a eu envie de combler les interstices.
Les nervures de chaîne, elle les a raccommodées. Les faînes et les chenilles ont oeuvré. L’Erythrine vrillait l’espace. La lune a délivré les cobalts et les cramoisis.
 

 

De l’ombre s’est déployée une liane de cosses et de bourgeons, une ombre murale chuchotait son écho.


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25 février 2012 6 25 /02 /février /2012 21:26

 


Kap bambino - red sign 

 

Aujourd’hui, le train finit par arriver. Par la vitre sale, dérivent les arbres sans plainte. Il peut s’écrire sur le torse puis bougon, rebrousser chemin, les yeux clos. Il se la joue touriste, embarqué sur un rafiot dérivant au hasard. Il  n’oublie pas de boire, de transpirer et de puer. Les femmes aiment frôler sa carcasse édentée et titubante.

Qu’en as-tu pensé la première fois, quand on te l’a présenté ? En une fraction de seconde tu l’as catalogué perceur de coffre-fort, anarchiste escroc, bandit romantique. Tout aussi rapidement as-tu fantasmé sur son suicide, libre et gouailleur trinquant post mortem avec l’humanité. Quelqu’un a prononcé « Villequier le Jeune, Alexis l’Ancien ». Il t’a paru pressé, mobile dès l’aube, terrible d’intelligence et au bout du compte, plus rien. Tu t’es souvenu d’un sociologue qui répliquait «  En 1900, on travaillait  200 000 heures, on en dormait autant, il en restait 100 000 pour le reste : apprendre, aimer, militer, mourir… ». Tu hésitais, tragédie ou discours radieux…ton imaginaire franchissait les générations passées. Tu as eu envie de rupture. Alexis serait ton utopie, avec lui tu passerais d’un monde à un autre. Si tu l’abandonnais, tout s’écroulerait. Ce soir-là tu ne l’as plus revu. Tu as bien dormi.


Tu as appris qu’il logeait à l’hôtel et qu’il ne travaillait pas, qu’il avait hérité avec son frère d’un terrain, grande bâtisse avec piscine qu’il louait très cher à d’anciens soixante-huitards, qu’il aimait le vent dans les rameaux d’acacia, le ciel obscur au-dessus des cannes à pêche, les façades le long des canaux éclairés par la lune, l’homme seul sur la ligne blanche entre herbes folles et murs de béton. C’est ainsi qu’il s’est emparé de l’espace vacant de ton silence.


Tu avais fait le guet rue ***. Il a franchi le pas de la porte vernissée, tout de noir vêtu, un chapeau informe qu’il garderait à la main tout au long de cette unique journée que vous passeriez ensemble. Ses bottes étaient poussiéreuses et son veston élimé mais il arborait un sourire asymétrique qui t’a ravagée. Les hirondelles étaient apparues dans le ciel la veille et l’odeur de jacinthes écœurait. A postériori tu classerais ces détails comme insignifiants, seul l’itinéraire de vos déplacements fournirait ta matière à survie.

 

Sous le soleil, vous avez arpenté les lambris centenaires d’un hôtel particulier que vous avez pénétré à la faveur de la crédulité de sa propriétaire, la cour carrée d’un couvent dont il se disait ami du gardien des lieux, les poutres métalliques de vieilles halles cachées derrière des palissades vétustes, le 27ème étage d’un building d’où la perspective vous a transportés à Hong Kong. Vous avez côtoyé des putes  qui avaient retiré leurs hauts talons afin de reposer la plante de leurs pieds sur la terre, de vieux junkies à la gare en tenue extravagante et la faune si particulière d’un zoo creusé dans d’anciennes excavations de faluns via une exposition à l’Hôtel de ville. Vous avez échangé vos impressions sur Milan au mois d’avril, l’Apocalypse version XXIème siècle, la perception des toiles de Jérôme Bosch aujourd’hui et les cellules totipotentes soumises à la bioéthique et à l’expérimentation artistique. Lui préférait le marron glacé, le bleu d’acier et l’ivoire, tu lui rétorquais orange citrouille, vert amande et violet indigo. Dans une librairie, vous avez acheté des livres, il t’a donné *** et toi le tome 2 de ***. Vers 17h, tu avais les pieds en sang, vous êtres entrés chez un chausseur et tu as troqué tes lourdes bottes contre des sandales telles des fleurs en mutation te dessinant une silhouette au cordeau.

 

Cette nuit-là s’est achevée dans une atmosphère brute, une mezzanine surmontée d’un impressionnant babouin de Guinée. Au mur, des photographies noir et blanc de bâtiments conçus à la fin des années 60 par Niemeyer. Tout cela devenait vain, un infini de sensations qui t’effrayait sans la fiction amoureuse qui accompagne ta relation au sublime. Il a volontiers récapitulé avec toi, il fumait clope sur clope, il avait noué en fin de journée une écharpe de tweed brun autour de son cou. Tout était presque possible.

 

Lui - le futur est inhabitable pour nous deux

Toi - le fantastique et le pornographique sont-ils des projets de vie ?

- du vivant à la décomposition, saurait-on franchir les étapes?

- survoler la canopée de nos âmes à chaque crépuscule serait une catastrophe émotionnelle

- le détroit, un passage souvent à sens unique et à devenir incertain

- un mouvement de ta nuque

- les cernes de ta carnation

- la suspension de ton souffle

- le temps écoulé

- ta jeunesse tranchée

- la stupeur qui éblouit, sa disparition déjà sous l’énumération

- belle et mortelle

- une série entre deux parois métalliques et vertigineuses qui n’étanchent pas la soif

- un voyage qui a glissé dessus nos paupières fermées

- nos cœurs croisés

- un méchant loup face au petit chaperon rouge

- adieu mon amour

 

Silence. Tu te souviens les pleurs en sourdine, on eût dit la sève des nénuphars s’épanchant sur un étang de dentelle.

 


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25 février 2012 6 25 /02 /février /2012 18:38

 
Du sommeil à l’éveil
De la racine au bulldozer
Du nègre au chien
De la corne au mollet
De l’ipso au facto
Du bois à la nuit
De l’élément à l’ensemble
De l’écho à la voix
De la fureur à la danse
Du Havre à Marseille
De l’énigme au mensonge
De la fabrique au souvenir
De l’histoire au leurre
De l’ultimatum à l’abandon
De la Tenture à l’Apocalypse
Du brave au démon
Du miel au dégoût
De la ruine à la confiance
Du plein au délié
Du tourisme  à l’enfer
De la prison à l’avenir
De l’esprit à l’ailleurs
De la solitude à la solitude

 

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25 février 2012 6 25 /02 /février /2012 18:30

APORE, n.m. Mathém. Problème difficile à résoudre dont la solution est regardée comme impossible, comme la quadrature du cercle par exemple.
Là où il y a du burlesque…Fourbissent péripéties et reconnaissance au soleil de midi. Furieuse bave sanguinolente, flash problématique de la rencontre extravagante d’un ferme mollet et de luisantes cornes. At last but no least.

CARACOLE, n.f. Archit. Escalier en caracole : escalier en hélice, en spirale.
Il faut aussi chercher où ils logent, tant les braves que les démons, empruntant la crosse de la fougère et la coquille du gastéropode – toujours – le nécessaire et le vraisemblable singeant l’hélice et la spirale.
 
DECOURS, n.m. Période de temps comprise entre la pleine lune et la nouvelle.
Se lève la lune au-dessus de Kydonia. L’écume azuréenne gifle l’avers de fortune au miroir de la tragédie, pleine, nouvelle et monnayée en drachmes. Fortuite la comédie, non pas !

POSTINE, n.f. Nom, dans les Landes, d’une petite porte de derrière.
Une porte derrière, de laquelle dégouline le miel, le latex du pauvre. Alep s’embrase. Montfort-en-Chalosse ébruite les méfaits des princes dont le vit paluché depuis des lustres, dans un même nœud et dénouement, dégoûte à tout jamais.

RIMULE, n.f. Hist.nat. Petite fente, fissure.
Sans faillir, les strates gréseuses adoubent les ondes tandis que fuse l’écho du rapace au-delà de ma voix entravée.


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25 février 2012 6 25 /02 /février /2012 18:20

Qu’est-ce que la gravité ? C’est la lumière dans les cheveux d’un lanceur de pavés.
Qu’est-ce qu’un pyjama de flanelle épaisse? C’est un aplat sous la menace.
Qu’est-ce qu’une voix de soprano? C’est une kyrielle de miasmes anonymes.
Qu’est-ce qu’une radiographie? C’est la sauce de papa convertie au terrorisme.
Qu’est-ce que la rage ? Ce sont des lunettes de myope écrasées par des flics.
Qu’est-ce qu’un tourment? C’est une porte d’église dont on a forcé l’entrée.
Qu’est-ce que le guacamole? C’est l’antithèse d’une pâleur inquiétante lors d’une arrestation arbitraire.
Qu’est-ce qu’un gilet phosphorescent trempé? C’est un conspirateur fuyant le simoun des bombes.
Qu’est-ce que la parodontologie ? Ce sont les conséquences de baisers rapides sous les cocktails Molotov.
Qu’est-ce qu’un symposium? C’est une cellule de feu acharnée à la restauration de manuscrits anciens.
Qu’est-ce qu’un va-nu-pieds? Ce sont quatre allers-retours le long de la rue principale d’Athènes.
Qu’est-ce qu’un uppercut? C’est le dîner de la veille présidé par la Direction Centrale du Renseignement Intérieur.
Qu’est-ce qu’un laurier? C’est la lumière dans les cheveux d’un lanceur de pavés.
Qu’est-ce que la profondeur obscure de la forêt ? C’est un harem devant les tribunaux européens.
Qu’est-ce que la jaunisse ? Ce sont trois pommes de pin dans des camps d’entraînement grecs.
Qu’est-ce que l’indigo? C’est une photo de fille en Corse ou au Pays basque.
Qu’est-ce que la surface de la Terre? C’est une pergola sous laquelle un Italien blessé ne veut surtout pas que cela se sache.
Qu’est-ce qu’un accident mortel sur une route mouillée? C’est un contorsionniste soumis aux contrôles de routine de la police locale.


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8 octobre 2011 6 08 /10 /octobre /2011 19:31

Le Grand Chantier était d’actualité en 1983 /1984. Le fusain et la craie se confrontaient sous le tablier du pont. Pointes et courbes sollicitaient le grain de ma peau outremer sous la pâle lumière, à l’ombre de la tour ancienne près de laquelle une Anna Kavan défunte énumérait les méfaits de la neige. Nulle chaise longue  n’était aussi douce que celle du jardin manceau, même si la toile effilochée se marbrait d’empreintes furtives.


J’avais rêvé Anduze, Saint Jean du Gard et Valleraugues. Gustav Mahler s’épanchait de sous le mûrier, au-delà des oliviers. Une chorégraphie malicieuse se détachait des pages du cahier de brouillon que tu noircissais. Dans Paris silencieux, le Butoh me clouait au sol. Le spectre d’Hiroshima exhalait ses radiations. La vallée nous a absorbés, à la frontière d’un dyptique radieux.  J’aurais voulu coller des masques sur nos faces et les regards détourner.


Il me revint à l’esprit le cauchemar de la brute détruisant à coups de massue les vitres de la Grande Serre dont la réfection coïncidait avec celle du temple Borobudur. Maggie brisait les mineurs, Grégory sombrait dans la Vologne et Indira gisait assassinée par ses gardes du corps sikhs. Quarante tonnes de méthylisocyanate s'échappaient dans la nuit de Bhopal, et avec elles  les milliers de morts et d’handicapés. Violent Femmes et Sonic Youth scandaient nos amours.


Les fossettes de Sandrine séduisaient Maurice, Michael et David nous faisaient danser et Henri n'arrachera  plus l'ancre qui tenait son navire loin des mers. Oui, nous dansions et Francis nous faisait agiter des lances et des feuilles délavées par l’encre, la lune était rousse et les femmes belles. Nous aurions donné toutes les têtes de veau du monde pour concourir à la chute d’Augusto Pinochet. Magali et moi nous donnions rendez-vous à la librairie de Beaubourg.


Je ramassais du bois séché, j’achetais des bobines de fil et j’enfilais des perles. Le thé n’était pas vert. Le samedi soir, dans la cuisine familiale nos mangions des Petit Lu. Amy Winehouse ignorait qu’elle mourrait jeune et célèbre. Se reflétaient dans les fractions de miroir les visions du vieux Burroughs. Sur l’horloge immuable de nos destins, se percutaient des lièvres indisciplinés tandis que des taches flirtaient avec des plumes faisandées.


Cette année-là, j’ai lu « La spirale : un des symboles qui découragent le plus l’analyse…A la fois trop limpide et trop mystérieuse pour se laisser exprimer par des jeux de concepts, il demande à être contemplé, expérimenté, en silence, par delà les mots. Emanation, extension, développement, continuité cyclique mais en progrès, rotation créationnelle…la spirale suggère ou, mieux, est tout cela ». J’aimais Pascal, j’aimais Olivier, j’aimais Denis. Je ne m’aimais pas. Je ne le savais pas.


Les yeux fermés dans l’appartement où régnait le froid, je laissais dégouliner des épaisseurs indigo et violine, la strate grège se délavant de bisque mauve et cuivrique. En hommage à Lebo, je déchirais des polaroïds que je transférais sur la soie, j’y ajoutais des fragments de scotch et y dessinais des lignes couleur mangue et turquoise. Tu me susurrais « Tu es une lunaire, un Soleil souhaitant monter au plus haut, les ailes rognées. »


Il y avait le 49, les mecs en basket au fond de la Doutre. La Loire dégorgeait et plus personne ne ramassait le courrier au 20 bis. Les jonquilles avaient fleuri en mars. Nous prenions le train, toi noir dans ta gangue, tu n’étais pas breton malgré ton front de bois. L’eau s’écoulait fréquemment le long des vitres et nous évoquions Judit. Des poudres d’argent et de bronze scintillaient le long de tes pommettes. Le cuir crissait sous nos fesses. Ton regard sourd et mat me pétrifiait.


Je marchais sans toucher terre, mes lèvres prononçaient des mots imaginaires. Aux USA on se mit à exécuter les condamnés par injection intraveineuse tandis que s’affichait « 1984 ne sera pas comme 1984 ». Steve Jobs mourrait un jour. Personne ne demandait au docteur ce qu’il savait de la nuit. Ils buvaient tous du café que leur avait servi le Turc. Tu répétais que le monde est fou, que croire signifie libérer l’indestructible en soi.


Les surfaces se sont gondolées, par endroit déchirées et percées par la clope lâchée dans la peine. Rien n’a le temps de couler, tout va vers le Pacifique, emporté par la tempête ou en suspens à la surface du fleuve. C’est l’année où j’ai découvert Anselm Kiefer, il ne faisait pas encore pousser des tournesols géants dans le Gard. Lorsque j’émergeais de ses toiles épaisses, la clarinette de Webern m’engloutissait dans le tréfonds des tourbières de l'Homme de Lindow.


Tu m’avais désigné « Moi Tarzan, toi mort ». Une nuit de la pleine lune, Line et moi nettoyions les coquillages, elle repartait bientôt pour Brooklyn, elle discourait sur le Bauhaus et je répondais Beckett, derrière nous Legendary Lovers tournait en boucle. Pour son anniversaire, nous irions écouter Pelléas et Mélisande. Tu lui avais offert le pull de ton grand-père décédé et des clous de girofle, moi des pots de confiture et un Kway.


Quand on est jeune, le futur, tel un morceau de verre, se superpose au présent qui tremble et qui frissonne. Quand on est vieux, le passé, tel un verre épais, se superpose au présent qui vacille et se déforme. Je suis entrée, entrée en force, pauvre et libre. J’ai lu « 1983.001.1 / 1984.079.4 ». J’ai pensé aux Dix Commandements, à mes diplômes égarés, à la pitié dangereuse, à la passion de Jeanne d’Arc, aux yeux ouverts dans le noir, au métro Clichy, aux tricheurs et à la pirate, à Paris Texas.


J’ai avancé, absente à tout inventaire.

 

 

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1 octobre 2011 6 01 /10 /octobre /2011 09:35

Toi, face splendide et rayures anachroniques, Tulla t’avait accompagné, toi en retrait, les roches  au sol émettaient leur parure polychrome.


Plus tard, sur le pont, elle avait relaté leur conversation « Même la lune ne se reflétait plus ». Elles avaient coiffé leurs longs cheveux en tresses. Toutes sauf Tulla.

 

Ne plus arracher la compassion. Pour certains, prier devenait le seul exutoire. Tulla, toujours plus diaphane, présentait son profil à la maladie qui creusait patiemment sa silhouette. Nulle rupture, nul scandale, juste l’ironie verdâtre en filigrane. Pubère, l’ombre shinto dégoulinant sa noirceur, telle est Tulla qui reste assise, vampirisée par son passé s’estompant. De sur ses draps ou au premier plan dessous une forêt mythique, la poigne qui l’enserre est précise et les canines perçantes. Réitérée en un entrelacs nostalgique, les solitaires que vous fûtes rejoignent les mêmes rivages que celui de la chambre de la malade - Tulla, enfant d’après l’envolée hormonale déchirée en une palette sourde de violines et cobalt.


L’acquisition de ton Kodak Bull’s Eye t’a projeté dans un panorama chevauchant dates jusqu’à la vieillesse sinon la plénitude. Comment s’appelait la nurse de Dr Jakobson ? Vous logiez alors sur le continent, Rosa et Olga assuraient les services, elles t’enjoignaient à descendre sur la plage en fin d’après midi. Leurs visages se superposaient, ils se démultipliaient tandis que la pensée de Charlotte Corday s’imposait à toi. Tu avais noté la date, le premier octobre 1930. Tu répétais alors « Je suis le spectre, le satyre de mes propres toiles » et ton profil encadrait le 53, quai Am Strom.


Tulla errait, elle s’éloignait sur la voie gélatino-argentique. Quand tu as découpé le cadre une fois de plus, tenace et persévérant, les ombres bleues se sont approchées, en rang serré, mine fatiguée,  poings et mâchoires crispés, dessinant une perspective glauque. Des marins dans la neige. Au trot ou au galop, les équidés dérangeaient l’ordre immuable des blés, ils culbutaient la pauvre marchande de saisons et ils terrorisaient le quidam. Ni les pompiers ni le capitaine Boer ne seraient intervenus. Toi, tu reculais, tu découpais le globe et réinventais la camera obscura. Des faces blanches témoignaient en bord de sente, préfigurant l’horreur nipponne de la terre fracassée et irradiée. Tulla demeurait calfeutrée, le sang s’était écoulé encore et encore, teignant les façades et les pupilles épouvantées.

 

La forêt a accouché de ses champignons et de ses cadavres. « Tulla, reviens ! ».

 

« Je suis le regardeur, le figé, le hiératique ».

 

Tu ne quittes plus ta chambre, tu l’habites, la cellule olivâtre carmin. Tu considères  Kristiania, elle  entre et marche précipitamment, elle s’assied et boit trop vite, elle se lève et abandonne, elle enlace le revenant et elle le meurtrit. Toi, le front sur le bois du lit, ton œil grand ouvert rampe au sol et flirte avec la mort.

 

Blêmes, des femmes en larmes laissent la place à Bletzy Rohn dont le crayon gras sur papier trace le souvenir érotique de toutes les illusions traversées. Elle soliloque « Je suis le pastel sculpté, ta tombe érigée » et encore « Ma chevelure de bronze pleure » et encore « « les diagonales strient mes seins et mon pubis foudroie ta couche ».

 

Tulla n’est pas revenue. Tu superposes, tu vibres, tu traces, les transparentes femmes obscurcissent ton œil rendu aveugle momentanément. Elles défilent, noires et blanches, élégantes face à ton objectif, devant un porche, derrière un mur, elles vont et viennent sous les feuillages et la ramure abstraite, survolant la maison sanguinolente, le jet d’eau et le kiosque à musique. Tu as revêtu ton gilet à boutons dorés, ton nœud lavallière est désuet et un galurin coiffe ta calvitie. Tu ne t’aimes pas. Les femmes t’aiment-elles ? Tu collectionnes les estampes et tu acquiers un Pathé Baby. Panique ! Le meunier et le ramoneur s’affrontent en une chorégraphie burlesque, toi tu es jaune, tu as chaud, tu culbutes et la bagarre prend de l’ampleur, les hôtes indésirables sont tous les assaillants de ta solitude. Comment rentrer à la maison ?

Grippé et regard retourné, errant à la nuit, tu as délaissé le chapeau au sang coagulé et le paletot dramatique, tu endosses les troncs et les batailles, l’horloge muette et les oiseaux éviscérés. Ton ombre et ton halo conspirent à l’aube de la capitulation. Dr Jekyll et Mr Hyde.

 


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2 juillet 2011 6 02 /07 /juillet /2011 12:57

Au-delà de ta nuque, ils parlaient tous italiens; qui déjà rêvaient au paradis depuis l’assèchement des nappes ourlées. Dans les estampes libertines que durant de longues heures ils avaient feuilletées, les putes mortifiées s’évanouissaient, telles une nuée d’oies brouillées. 

 

Le bizarre s’est dispersé, le beau s’est  déposé.

Tu as encore eu mal à l’estomac. Tu as toussé, en retrait. La coque couleur de plomb s’est parsemée de grandes taches, as-tu proféré à voix haute en te détournant de la lucarne des cabinets.

Depuis le plus jeune âge, les rigoles sur ton torse sont passées de déconcertantes à familières et tes épaules nues ont eu le temps d’imaginer l’inconfortable infini.


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2 juillet 2011 6 02 /07 /juillet /2011 12:50

C’est l’absurde éviction de tes larmes innocentes, quand t’affronte le Malin.

C’est se pourlécher les babines sur une page vierge, quand dort la blessure guerrière.

C’est l’infatigable navigateur sur lequel se déverse le murmure enfantin, quand s’échancre le sédum et les sporogones effilés.

C’est tout jeu de séduction, quand le mystère des origines soulève des rideaux cramoisis.

C’est Rrose Sélavy empêtrée avec les fétiches du paquebot, quand dans la cale entassés ils flirtent avec l’océan.

C’est la mort quand elle bouge, folâtre avec les vivants, subtilise le ci au ça, voltige et puis s’en va.

C’est un lambeau d’où l’étoupe floconne et décuple le bris de l’âme, l’air de ne pas y toucher quand le souffle qui conduit les êtres émane des tubes de réanimation.

C’est rejoindre la chambre quand à petits pas et le port titubant, s’esquisse un sourire d’un autre âge.

C’est le trépas des fidèles quinze ans trop tard, quand les corbeaux croassent au-dessus du caoutchouc éventré.

C’est se recoucher épuisée de tout geste, quand le regard dessine la carte signifiée par les merdes du diptère.

C’est la valse des guêpes envoûtées, quand dans les hospices s’éveillent les vieillards et dans l’herbe se carapatent les nourrissons.

C’est une ligne aqueuse qui se fraie chemin, quand dans la solitude crie un faisan.

C’est l’air empli des insectes, quand le cœur déserté sous le micocoulier se dessèche.

C’est une fracture fraternelle, quand dans l’ombre la cathédrale se vide.

C’est délaisser un compagnon de voyage, quand survient l’aube pourpre.

C’est  une forêt d’immondices, quand une asphodèle perce la ramure et s’envolent les sauterelles.

C’est un mur irrégulier blanchi à la chaux, quand la caresse effleure bosses et tatouages sous l’index.

C’est le départ vers des terres froides, quand sans bouger des pleurs flétrissent les coquelourdes.

C’est une page arrachée qui ne s’écrira plus, quand les tapis sont foulés par les gitans.

C’est le hurlement d’une meute imaginaire, quand à l’arrière-plan l’eau fêle la piscine.

C’est un orgasme feint, quand s’oublient sur le pavé brûlant des pelures d’oignons.

C’est le 25 juillet au soir, quand ne s’aventurent plus les amoureux au pied de la fontaine tarie.

C’est un verre de punch au réveil, quand au milieu des édredons dévastés démarre un nouveau matin.

C’est la saison de Noël, quand la montre offerte gît sur la table de nuit, oubliée.

C’est rentrer sans écueil, quand l’amertume l’emporte et que le réconfort échoue dans un taxi.

C’est déjeuner avec tante Kitty, quand se montrer loquace n’advient qu’à la Saint Joachim.

C’est un bref filet d’eau qui goutte de la fontaine municipale, quand rentrent pour le dîner les braves.

C’est l’ipso facto, quand se réfugient dans les forêts les âmes de tous les continents.


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