Mauvaise Rencontre
(Sandrine)
NOIR
Le bruit des voitures, le souffle régulier de la vitesse de leur passage.
UNE AIRE D’AUTOROUTE / EXT / JOUR
Un homme passe devant elle, la regardant.
L'homme repasse. S’arrête non loin d’elle. Revient vers elle. Tend un paquet de cigarette.
LUI
Je peux vous offrir une cigarette ?
Et un café peut-être ?
( d’un mouvement de tête, il montre la station service)
( Isabelle)
ELLE
(sourire crispé)
Je devrais dire non. Mais aujourd’hui, c’est d’accord pour une cigarette et un café.
( Catherine)
Elle prend une cigarette dans le paquet. Ils s’éloignent en direction de la station. Il a cessé de pleuvoir.
UNE AIRE D’AUTOROUTE / INT. / JOUR
LUI (mettant des pièces dans la machine à café)
Vous attendiez depuis longtemps ?
ELLE ( ton moqueur)
Qui vous dit que j’attendais ? Et si plutôt, on m’attendait ?
LUI
Vous ne souhaitez pas arriver à destination ? On vous attend où ?
(Sandrine)
ELLE
Peu importe. Et vous, d’où venez-vous ?
LUI
De Montélimar. Dites donc vous êtes plutôt du genre méfiante. Ça vous arrive de répondre aux questions qu’on vous pose ?
ELLE
( elle prend le café qu’il lui tend, se réchauffe les mains autour du gobelet)
Oui, quand j’en ai envie. Désolée mais j’aime pas faire d’efforts.
LUI
Remarquez, on est tous pareil. Mais moi, ça m’fait plaisir de vous offrir le café. Et la cigarette. Parce que j’aime bien les jolies filles. Ça m’a joué pas mal de tours dans ma vie d’ailleurs, d’aimer les femmes.
ELLE
( Elle écrase sa cigarette et finit son café en silence, le regard tourné vers le dehors)
Bon, bien merci …
LUI
Alex.
ELLE
Merci Alex. Je vous souhaite une bonne fin de voyage.
Elle lui tend la main, il la serre. Elle tourne les talons et sort de la station. Il la suit.
( Florence)
EXT / JOUR / PLAGE DE GRANDCAMP - MAISY
Quelques promeneurs.
On entend un rire hors-champ.
La femme marche en compagnie d’un homme brun. La trentaine. Bel homme. Habillé de couleurs sombres. Elle porte le même imperméable noir et a relevé ses cheveux. Maquillage soigné. Elle rit.
FRED
Bon Marthe, qu’est-ce que tu veux ?
ELLE ( souriant)
Rien. Juste dire bonjour.
Elle s’approche du visage de Fred et colle ses lèvres aux siennes.
Bonjour, Fred.
Silence. Il la repousse légèrement.
FRED
Tu fais vraiment chier.
ELLE ( souriant toujours)
Si tu veux que je te parle, il va falloir que t’apprennes la politesse.
Elle lui prend la main, la colle à son sein et l’entoure de ses bras. Le couple s’enlace.
( Samuel)
INT / SOIR / CHAMBRE D’ HÔTEL À GRANDCAMP- MAISY
Des bruits dans le couloir. Marthe, allongée contre Fred sous les draps, ouvre les yeux, surveille Fred qui ne se réveille pas. Elle se glisse hors du lit en silence, ramasse ses vêtements par terre et sort du champ.
( Claudine)
INT/ NUIT/ UNE AUTRE CHAMBRE DU MÊME HÔTEL
Dehors les sirènes des voitures de police. Pluie torrentielle.
Dans la chambre, le va et vient des enquêteurs et des policiers.
Entre un petit bonhomme emmitouflé dans un manteau bordeaux. C’est le commissaire Guinchard.
Les autres s’écartent.
COMMISSAIRE GUINCHARD
Qui a prévenu ?
UN FLIC
La patronne. Elle n’avait pas vu descendre son client. Depuis deux jours. Elle s’est inquiétée.
GUINCHARD ( qui soulève le drap)
Pas joli joli …
Putain, il a plus de pieds !
( Sandrine)
INT/ NUIT / SALLE DE BAIN DE L’HÔTEL
Fred se rhabille après avoir pris une douche. Il semble hagard.
FRED (qui découvre des traces de griffures sur sa nuque)
Elle le fait exprès cette salope !
Deux coups brefs à la porte de la chambre
Je vous ouvre, un instant.
(excédé) Putain d’hôtel ! Putain de nuit ! Ça va bien durer deux plombes, ces interrogatoires !
( Samuel)
INT / NUIT/ COMMISSARIAT D’ISIGNY
Le commissaire Guinchard, toujours emmitouflé, est assis derrière son bureau. Deux jeunes inspecteurs sont assis en face de lui. C’est le petit matin.
GUINCHARD
Fais froid ! Bon Dieu qu’il fait froid !
INSPECTEUR 1
C’est la chaudière patron. Elle est r’tombée en carafe ce matin.
INSPECTEUR 2
Elle était d’ja morte t’façon.
INSPECTEUR 1
N’importe quoi ! Hier, elle fonctionnait encore ! La preuve…
GUINCHARD
( Il farfouille dans un tas de papiers étalés sur son bureau.)
C’est fini les deux comiques ? Vous commencez à me casser les pieds ! D’ailleurs, en parlant de pieds…
( Sandrine)
Des nouvelle du macchabée : nom Petrovich, prénom Alexandre, âge 46 ?
INSPECTEUR 1
On attend encore les résultats de l’autopsie. La patronne de l’hôtel nous a donné la liste des clients qui occupaient les chambres durant les deux dernières nuits.
INSPECTEUR 2
Trois de nos hommes interrogent ceux qui étaient en train de pioncer.
GUINCHARD
Les autres, faudra les retrouver. Interrogatoire en bonne et due forme pour tout le monde ! On se revoit ce soir pour faire le point.
Et arrêtez de renifler comme ça Janblanc, on dirait un putain
d’morveux !
INSPECTEUR 2 ( sifflement entre les lèvres)
Ouais ouais.
GUINCHARD
Et on « chipe » pas Janblanc ! Ils vous apprennent pas la politesse à l’École de Police, bordel?
INSPECTEUR 2
Si, si Chef. Il nous l’apprennent grave, la politesse.
GUINCHARD (agacé)
Allez du balai. Vous devriez déjà être au boulot.
INSPECTEUR 2
Mais c’est vous …
GUINCHARD ( entre ses dents)
Dehors !
INT/ JOUR / UN CAFÉ DE CAEN
Marthe lit la « Dépêche de Normandie ». Qui fait son gros titre sur l’assassinat d’un commercial dans un hôtel de la côte. Au fur et à mesure de sa lecture, Marthe devient blême.
Entre Claire, sa sœur.
CLAIRE
Salut. T’as vu, j’ai fait vite. Le temps de préparer Lisa et de la déposer chez sa nounou, une petite douche et me voici tout à toi. Alors, raconte.
MARTHE
Laisse tomber, tu veux. J’étais encore venue me plaindre de Fred mais là, ça m’est passé d’un coup. Regarde ça… l’article- là… celui sous le gros titre…
Claire parcourt l’article. Marthe tire sur les manches de son gilet. Elle semble gelée.
Ce mec, je l’ai croisé hier juste avant qu’il se fasse assassiner.
CLAIRE ( sourcils froncés)
Tu l’as croisé où ? Tu le connaissais ?
MARTHE ( se penche vers sa sœur)
Si je te dis que je l’ai croisé, c’est que je le connais pas. Il m’a abordée hier dans une station service. Il a été un peu lourd, tu vois ? Enfin, bref on a bu un café ensemble et fumé une clope.
CLAIRE ( bas)
Mais qu’est-ce qu’il t’a dit ? Il avait l’air inquiet ou quoi ?
MARTHE ( hésitante)
Non, pas du tout. Il a juste voulu faire connaissance… Enfin, tu vois le genre, non ? Il m’a suivi jusqu’à ma voiture. Je m’en suis débarrassée en lui filant mon nom et un faux numéro. Le portable de Fred.
CLAIRE ( encore plus bas)
Mais qu’est-ce qui t’a pris de lui filer le numéro de Fred ? Tu cherches les embrouilles toi !
MARTHE ( ton plus assuré)
Bon, j’avoue que ce n’était pas malin.
En tout cas, ça n’explique pas pourquoi ce type se trouvait au même hôtel que nous. Et qu’il se soit fait tuer de cette manière atroce.
CLAIRE ( qui oublie de parler bas)
Comment ça dans le même hôtel que vous ? Tu veux dire qu’il s’est fait massacré dans une chambre à deux pas de la vôtre ? Mais qu’est-ce qu’il foutait là d’abord ? Tu lui avais donné aussi le nom de votre hôtel ?
MARTHE
Non, justement non. Ce type a dû me suivre jusque -là. Et d’imaginer ce qu’on lui a fait … savoir qu’on était tout près… que ça aurait pu être nous, moi !
CLAIRE
Et Fred, il est au courant de tout ça ?
MARTHE
Fred, il était encore dans la chambre quand je suis partie. En pleine nuit. Parce que j’en ai marre de tous ses bobards, de cette relation qui ne mène à rien.
CLAIRE
Téléphone-lui au moins. Peut-être qu’il en sait un peu plus que toi ?
MARTHE
De toute façon, il doit être encore sur place. J’imagine que les flics interrogent tout le monde. Et puis, ça va même aller plus loin que ça. Parce qu’avec son numéro sur le papier du mec, il est pas sorti d’affaires tout de suite.
CLAIRE ( elle ouvre des yeux ronds)
Non mais t’es dingue ou quoi Marthe ? Tu ne vas pas le laisser se démerder tout seul. Il sera même peut-être accusé par ta faute. Et n’oublie pas qu’il y a ton nom sur le papier dont tu parles.
MARTHE
Ben, non, j’ai donné le nom de sa femme. Mais s’il veut rectifier, qu’il le fasse.
Devant le silence de sa soeur, elle rallume une cigarette et commande un autre café.
T’inquiète pas va, c’est juste une question de quelques heures, au mieux quelques jours. Le temps qu’on prévienne sa femme quoi. Et puis la police viendra jusqu’à moi et je leur raconterai comment le type est arrivé là. De toute façon, pour lui, c’est trop tard, non ?
FIN